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Béatrice Collignon

Professeure

Champs disciplinaires Géographie humaine, géographie culturelle et sociale

Mots-clés Savoirs vernaculaires, espaces domestiques, toponymies, mobilités, peuples autochtones, épistémologie de la géographie, éthique de la recherche, méthodes qualitatives et ethnographiques, écriture filmique en SHS

Terrains Territoire des Inuinnait (Canada : île Victoria et rebord septentrional du continent américain)

Mes recherches  s’organisent autour d’un questionnement central sur ce qui constitue les savoirs géographiques, les processus de construction de ces savoirs et les modalités de leur transmission, qui influent sur leur évolution et leur redéfinition permanente. Ce travail théorique s’appuie depuis toujours sur des études empiriques sur mon terrain privilégié : l’Arctique inuit où je conduis des recherches depuis plus de 35 ans (mémoire de Maîtrise, 1986-87 ; première expérience de l’Arctique inuit en 1980 par la participation bénévole à un chantier de fouilles archéologiques).

Je me suis d’abord intéressée, dans le cadre de ma thèse de doctorat (1990-1994), à la question des savoirs que l’on disait alors “non savants” ou “locaux” et que j’ai proposé d’appeler “vernaculaires”. Ceci afin de mieux reconnaître toute leur complexité et de rompre avec une façon de les appréhender qui insistait sur leur comparaison – toujours à leur défaveur – avec le savoir géographique “savant” ou “scientifique”. Comprendre les savoirs vernaculaires m’a conduite à m’intéresser à la “géographicité” des habitants de la Terre, c’est à dire au sens que diverses cultures donnent, collectivement, à l’expérience géographique d’“êtres humains sur la terre” pour reprendre les termes d’Augustin Berque (1996). D’où mes recherches sur les perceptions des paysages et des espaces vécus, sur les espaces domestiques comme “espace premier” de cette expérience humaine, sur la construction des territoires en lien avec les identités, sur le rôle des toponymes dans ces constructions, mais aussi sur les représentations et, à partir de 2007-2008 environ, sur les imaginaires géographiques de l’ici mais aussi, et surtout, de l’Ailleurs comme éléments essentiels de la construction de cette “géographicité”. Á partir de 2013, j’ai élargi mes travaux aux mobilités inuit « ordinaires » du 21e siècle : déplacements entre villages, vers les capitales régionales et infra Arctique inuit, mais aussi vers ce que les inuit nomment « le Sud », c’est-à-dire les villes du Sud du Canada mais aussi les destinations internationales : Etats-Unis, Europe, Asie principalement.

Si mes recherches apparaissent ainsi ancrées dans le vernaculaire, il s’agit bien in fine de réfléchir, en partant de ce pôle-là du savoir, à ses relations avec le savoir “savant” et aux possibilités de dépasser cette fracture épistémologique pour construire un savoir véritablement universel. L’inscription de mes travaux dans le champ théorique des postcolonial studies (j’emploie l’expression anglaise en raison des incertitudes françaises autour de l’interprétation des “études post-coloniales”) est liée à la recherche de ce dépassement, et non pas à l’adhésion à la simple déconstruction des géographies coloniales. En lien avec cette dimension épistémologique de mes recherches, je m’intéresse depuis 2006 à la question de l’éthique de la recherche, non pas pour répondre à ce que d’aucuns dénoncent comme une “injonction éthique”, mais en tant qu’interrogation sur ce que nous produisons, et sur les termes selon lesquels nous définissons la responsabilité du chercheur.

 

Ulukhaktok, mars 2023. © Béatrice Collignon.