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Enjeux géopolitiques : sécurité et développement

Coordination : Camille Escudé, Eric Canobbio

Loin des représentations classiques d’une géographie marginale homogène par son déterminisme climatique, l’Arctique s’impose désormais comme un espace géographique au centre de nouveaux rapports de pouvoir sur un territoire transnational et circumterrestre de “premier ordre de grandeur” selon la définition lacostienne de la géopolitique. Le conflit russo-ukrainien et le gel des instances de coopération arctiques qui a suivi l’agression russe au cœur d’une Europe centrale connectée à l’espace balto-arctique appelle à renouveler les analyses sur les rapports de pouvoir en Arctique en déclinant ses enjeux régionaux et transrégionaux à toutes les échelles supra et infra nationales.

© C. Escudé

Pour une approche renouvelée de la sécurité en Arctique                                                                                        La notion de sécurité humaine met l’accent sur la protection des individus ou groupes d’individus contre des menaces violentes ou non, physiques ou non. Elle cherche à protéger la survie, la poursuite de la vie quotidienne et la dignité des individus. Ainsi, la sécurité humaine déplace l’objet de sécurité de l’État à l’individu et inclut aux côtés de menaces violentes et classiques (comme les guerres), les menaces aux développements, à la santé ou à l’environnement. Le Rapport mondial sur le développement humain de 1994 propose sept dimensions de la sécurité humaine au sens large : alimentaire, communautaire, économique, environnementale, personnelle, politique et sanitaire. Or, les communautés arctiques souffrent de risques liés à ces sept dimensions.

Géopolitique du développement                                                                                                                           Dans l’espace nordique-arctique, la notion de “géopolitique du développement”  est liée à une complexification des enjeux dans le double contexte de la globalisation et de ses effets sur l’intégration de l’espace septentrional dans le système-monde et des impacts du réchauffement climatique agissant à la fois sur les représentations polaires et les stratégies des acteurs “parties-prenantes” de l’administration et de l’aménagement territorial boréal, publics ou privés. La géopolitique du développement aborde l’ensemble des processus pluri-acteurs et multi-niveaux agissant sur les relectures actuelles des dynamiques territoriales et politiques des espaces à forte nordicité. La question du “développement” et de la production de nouveaux modèles prospectifs connaît un regain d’intérêt dans les grandes institutions éditrices de normes économiques et socio-territoriales et de soft law (OCDE, FMI, Banque Mondiale).

© E. Ayaydin
Gouvernance multiniveau et géopolitique locale : (re)mettre les humains au centre de l’analyse géopolitique                                                                               Il s’agit de s’interroger sur la notion même de gouvernance et sur la nécessaire perspective multiscalaire à adopter pour l’analyse des processus arctiques. Ce thème aura à cœur de s’interroger avant sur la place des acteurs (autochtones ou allochtones, acteurs étatiques, non étatiques, acteurs supranationaux, acteurs arctiques ou non) dans les processus de décision. La notion de gouvernance multiniveau est une approche qui permet notamment de prendre en compte les différentes modalités d’insertion des populations autochtones dans les processus politiques. Il s’agit de s’interroger sur le rôle des acteurs locaux notamment dans les conflits liés aux projets d’aménagement ou l’établissement d’espaces protégés, d’extraction, de fonciers ou d’élevage. Les questions de légitimité dans les relations Nord-Sud ou l’instrumentalisation d’outils normatifs impliquent des questions touchant à la gouvernance multiscalaire, aux outils juridiques et de géopolitique locale.